La constipation occasionnelle: trivial et empoisonnant

“Comment allez-vous?” disons-nous sans y penser à nos amis. Au temps de Molière, “aller” veut dire implicitement “aller à la selle”, et les médecins du temps accordaient aux “matières” le plus grand intérêt, du fait de leur absence de moyens diagnostiques et thérapeutiques.
De fait, pas de bonne santé sans bon transit, du genre qui ne se fait pas remarquer. Pourtant, un Français sur cinq souffrirait de constipation , c’est à dire de selles rares (trois ou moins par semaine) accompagnées de diverses manifestations d’inconfort, ce durant plusieurs semaines ou plusieurs mois.
Il n’y a pas danger, sauf cas très particulier d’arrêt complet du transit: occlusion. L’occlusion s’accompagne généralement d’autres signes: douleur, malaise, vomissement. Ces signes peuvent manquer chez un malade très fragile: grand vieillard, déficient mental…
En cas d’occlusion il n’y a “ni selles ni gaz”, même discrets. D’où l’adage du chirurgien “qui pète n’est pas mort”, et le questionnement insistant à ce sujet de la part de votre médecin.
En cas de doute sur l’existence de gaz, il faut écouter le ventre à la recherche de gargouillement, même discret: entendre un gargouillement est rassurant.
En présence d’un transit, c’est la constipation “simple”. Voyons les causes possibles.
Plusieurs raisons:
Alimentation: les selles pour glisser doivent faire un certain volume; ce volume est donné par des éléments non digestibles: les fibres.
On trouve des fibres dans les différents fruits et légumes, mais aussi dans les fameuses légumineuses: pois chiches, pois cassés, lentilles, haricots secs, fèves. Il y a aussi des fibres dans le pain et les céréales d’autant plus qu’ils sont complets ou demi-complets.
Hydratation: le volume des selles est aussi constitué d’eau, et si les apports sont un peu justes, l’organisme économise aussi sec (si j’ose dire) sur les selles.
D’où des selles plus petites et plus dures, qui cheminent plus lentement et font mal en passant l’anus. Peu importe l’eau que vous buvez, celle du robinet est très bien. Penser aux infusions, non sucrées, si vous détestez l’eau, ou à l’eau pétillante. Un adulte à besoin de boire 1l à 1,5l chaque jour.
Facteurs circonstanciels: perte de certains réflexes
Le matin au réveil, et après le petit-déjeuner, se produisent des mouvements intestinaux qui déclenchent facilement le besoin d’aller à la selle. Tout particulièrement, le fait de boire un liquide chaud: c’est le réflexe “gastro-colique”. Si systématiquement, on réprime ces sensations: parce qu’on n’a pas le temps, parce que les toilettes sont sales, etc. à la fin on ne les percevra plus.
De la même façon, des douleurs: blessures de l’anus alias “fissures” provoquées par les selles dures, par exemple, vont inciter à se retenir de peur d’avoir mal. C’est particulièrement vrai pour les jeunes enfants.
sédentarité: la station assise favorise la constipation, comme le savent tous ceux qui ont eu ce problème après un long trajet en train ou voiture. Une activité physique, au minimum la marche, est nécessaire pour un bon transit.
médicaments
De nombreux médicaments favorisent la constipation:
- anti-douleurs: codéine, morphine…
- psychotropes: neuroleptiques, anti-dépresseurs
- anti-hypertenseurs: inhibiteurs calciques, diurétiques,
- antiparkinsoniens
- fer …
Cela est indiqué sur leur notice d’information.
Les premiers conseils devant une constipation sont donc:
– prendre un moment pour se rendre aux toilettes chaque matin, et dans tous les cas dès que l’envie est ressentie.
– boire suffisamment, manger des végétaux; des fibres telles que le son de blé peuvent être ajoutées très progressivement (risque de ballonnement)
– avoir une activité physique.
et, questionner les médicaments en cours.
Tous ces éléments font partie des moyens “hygiéno-diététiques” d’avoir un transit normal, indolore, qui se fait sans y penser.
Quand tout ceci est sans effet, ajouter en plus un laxatif doux comme l’huile de paraffine, pour quelques jours seulement.
A stopper dès qu’il fait effet, sous peine de fuites rectales. Les huiles sont contre-indiquées aux jeunes enfants et aux personnes qui avalent facilement de travers (“fausses routes”), car elles abîment les poumons.
Les laxatifs “naturels”, à base de végétaux, peuvent être très irritants, et sont à déconseiller (“naturel” n’est pas “innocent”)
Des laxatifs plus puissants peuvent être prescrits par le médecin, toujours de façon temporaire, essentiellement les macrogols, le lactulose, ou les traitements par voie rectale.
Il y a des sensibilités personnelles, certaines personnes sont plus sujettes à la constipation, comme d’autres aux maux de gorge.
Dernière chose: faire le point avec le médecin en cas de constipation RECENTE, d’autant plus qu’elle s’accompagne de sang dans les selles, de douleurs, d’amaigrissement: cette situation fait penser EN PREMIER AU CANCER, surtout si l’on avance en âge.