“Kiss”syndrome et autres fakemeds: un jeu dangereux avec les angoisses des parents
Précisions: Une fake med (de fake = faux) est une pseudo-médecine qui se cache derrière des termes d’apparence scientifique. Synonyme: charlatanerie. Les Fake se propagent beaucoup sur les réseaux. Je reprends ici un thread de Night Hunter, urgentiste pédiatrique auteur du livre de prévention “urgences or not urgences” qui est très bien fait
Toutes les FakeMeds périnatales reposent sur un principe de base aussi écœurant que similaire : exploiter la détresse des parents, jeunes ou moins jeunes, et la souffrance familiale pour en tirer de l’argent et les embrigader dans un cercle vicieux de recours aux FakeMeds.
1 Il en existe de plusieurs types :
Type 1 : Celles qui reposent sur des symptômes existants et reliés à des pathologies particulières (Colique, RGO, Plagiocéphalie…) et sur lesquels on invente des syndromes ou des pathologies qui n’ont en réalité aucune existence.
Deux exemples rapides dans ce Type I :
– Le Syndrome de Kiss, un fourre-tout de symptômes non spécifiques du nouveau-né avec proposition d’un traitement fantasque et dangereux par manipulation cervicale. Les risques d’une manipulation cervicale sont documentés et peuvent aller jusqu’au décès de l’enfant, dont le cou est particulièrement fragile .
– L’Homéopathie/Ostéopathie en général pour tout et n’importe quoi. /
Puis, le Type II qui prennent des pathologies qui existent et déforment les critères diagnostics pour en faire quelque chose d’ultra-fréquent alors que c’est très rare et très spécifique. C’est la FakeMed par excès avec, pareil un traitement par excès et souvent dangereux.
Pour ce Type II :
– Les freins de langue restrictifs, très rares en réalité, dont on a fait n’importe quoi, qu’on coupe n’importe comment par n’importe qui.
– Les APLV (allergie aux protéines de lait de vache) qui pullulent partout alors que c’est rare et, surtout que c’est difficile d’en faire un vrai diagnostic.
Enfin, le Type III qui repose sur des trucs normaux, pas pathologiques, qui sont des variations chez les bébés mais qu’on érige en pathologie pour singulariser l’enfant, le rendre “spécial” et justifier à peu près n’importe quoi pour le traitement ou accompagnement.
Pour ce Type III :
– L’intégration des réflexes archaïques. Ou comment transformer les réflexes archaïques de tout enfant en un truc anormal à soigner.
– Le BABI (Bébé à Besoin Intense) importé des USA par la Lèche League et qui n’a aucune existence. Le BABI est d’ailleurs assez fascinant puisque le jeu, c’est de faire croire que tous les bébés devraient avoir des besoin similaires. Mais comme chaque être humain est différent, chaque bébé va avoir plus ou moins besoin d’être proche de ses parents. C’est normal.
Je pourrais ajouter une catégorie accessoire avec
par exemple le fameux Collier d’Ambre ou comment faire croire qu’une pierre (souvent en toc) guérit des poussés dentaires. Ce type de collier, comme tout collier peut étouffer le bébé.
Et au passage, on précise aussi de façon définitive qu’aucun enfant, AUCUN, ne nécessite une visite à l’ostéopathe qui n’est ni un professionnel de santé ni une personne qualifiée en prise en charge pédiatrique.
Ils n’ont aucune place en pédiatrie.
Malheureusement, le manque de temps souvent et d’empathie parfois des professionnels de santé conduit les parents à chercher de l’écoute et de la compréhension en occultant l’aspect non scientifique de la démarche. Parce qu’avoir un bébé, on le sait, c’est épuisant. Les occasions de s’inquiéter sont fréquentes et on veut bien faire.
Je vais maintenant vous expliquer le système pernicieux des FakeMed périnatales en prenant pour exemple l’une des pires d’entre elles qui sévit en France, le « Syndrome de Kiss » qui est relayé à la fois par des ostéopathes mais aussi par certains médecins (jamais pédiatre)
Le « Syndrome de Kiss » signifie « Kopfgelenk Induzierte Symmetrie Störungen » pour « Troubles de symétrie induits de la jonction crânio-cervicale »
C’est la première caractéristique d’une FakeMed, celle de mettre un terme complexe pour se donner une allure sérieuse.
Ce « syndrome » rassemble des symptômes comme des pleurs, la tête plate, le reflux, le torticolis, toute asymétrie de tonus, des coliques, des tortillements, des nuits difficiles… Bref, des symptômes totalement non spécifiques qui se rencontrent chez tous les bébés.
Il faut bien comprendre que ces symptômes existent bel et bien mais qu’ils se rattachent à des pathologies de l’enfant comme le reflux gastro-œsophagien ou la plagiocéphalie avec des règles, des suivis et des traitements en plusieurs étapes.
On y ajoute des symptômes qui n’en sont pas, comme la position de la tête en hyper-extension (dites en C/Virgule) pour faire croire que c’est anormal et pathologique. Comme en plus c’est très courant, c’est donc d’autant plus utiles pour ce « syndrome » fourre-tout.
Du fait de ces symptômes, souvent épuisants et qui durent souvent le temps de la maturation digestive/neurologique de l’enfant qui grandit, les parents s’épuisent, et plus l’on s’épuise plus l’on devient anxieux et plus on a peur pour son enfant. C’est normal, mais difficile.
Ainsi, des personnes malveillantes ont inventé le « Syndrome de Kiss », qui remonte à la « découverte » d’un allemand, le chiropracteur Heiner Biedermann qui postule que tous les symptômes de l’enfant seraient du à une sub-luxation des vertèbres cervicales C0 sur C1.
Cette Sub-Luxation irriterait/coincerait le nerf vague qui passe pas loin et BOUM, tout vient de là.
Pour soigner tout ça, il faudrait faire des manipulations de la colonne cervicale pour remettre en place les vertèbres.
C’est donc magique.
Vous voyez donc ici le terrain parfaite pour une FakeMed périnatale :
– Des parents épuisés, parfois pas assez écoutés des soignants
– Des personnes prêtes à profiter de cette souffrance/errance en vendant un traitement magique (manipulation cervicale)
Il est important ensuite que la lésion accusée (la sub-luxation vertébrale) ne soit pas vérifiable.
Ici, on vous proposera une radiographie de la colonne cervicale sauf qu’une luxation cervicale ne se voit qu’en scanner, pas en radiographie.
Donc, c’est merveilleux, on fait voir qu’on fait un examen (qui ne sert à rien et irradie) pour identifier une lésion qui n’est pas visible en radiographie normale.
Et aucun radiologue pédiatrique ne va faire un scanner pour cette non-indication, surtout chez des nourrissons
Si on insiste d’ailleurs, on vous dira, que c’est aussi musculaire, ce qui est encore moins objectivable et qui permet de dire/faire tout et n’importe quoi.
Le principale, c’est que la démarche ait l’air crédible auprès du non-soignant.
Vient ensuite la proposition de solution magique qui passe par la manipulation cervicale des bébés/enfants, ce qui est interdit en dessous de l’âge de 6 mois par un non-médecin, interdiction contournée puisque quelques médecins pratiquent la FakeMed (on y reviendra)
Cette solution nécessite plusieurs séances, facturées entre 75 à 120 euros la séance. Ce qui est encore plus fou, c’est que cette séance ne marche pas à tous les coups (logique) et ils ont donc inventé le principe de « l’effet rebond » qui nécessite…d’autres séances !
Cet effet rebond permet de multiplier les séances ET de justifier les échecs éventuels de leurs techniques. On est dans un cercle parfait pour piéger le parent là-dedans. Cette manipulation est, de plus, visible/impressionnante donc ça donne l’impression de faire.
Sauf que c’est aussi dangereux car la manipulation de la colonne cervicale d’un enfant peut entraîner des dissections des artères cervicales, des malaise graves, des apnées , des décès.
Une étude a même retrouvé 22% d’apnée pendant la manipulation
Ces études (très rares car le syndrome, encore une fois, n’a aucune existence médicale) montrent déjà une absence d’efficacité. Pire, 2 enfants traités pour un KISS avait en fait des tumeurs cérébrales ! https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20013566/
Car c’est l’autre terrible facette de cette arnaque : le retard diagnostic puisque tout est rattaché au KISS, les parents retardent les prises en charge médicale et c’est parfois extrêmement grave.
Le KISS n’a aucune existence médicale. Aucune société scientifique dans le monde ne le reconnaît.
En France, l’Ordre des Kiné l’a récemment rappelé. Même la SEROPP (Société d’Ostéopathes) ne reconnaît pas le Kiss.
Pourtant, le KISS est de plus en plus célèbre.
Car le charlatans du KISS ont utilisé le bouche-à-oreille des parents qui voient souvent de très grosses améliorations. Et les médias interrogent ceux qui disent soigner le KISS et pas les autres.
Ainsi, la chose se répand.
Pourquoi alors ces nombreux témoignage de parents qui constatent un miracle ?
Comme on l’a dit, les symptômes entraînent une anxiété parentale, tout devient difficile, tout inquiète.
Et ceux qui soignent le KISS soignent l’anxiété parentale.
Car l’enfant est une éponge émotionnelle. Plus le parent va mal, plus l’enfant va mal, c’est incontrôlable et c’est comme ça. Ce n’est PAS la faute du parent, jamais. Dans l’histoire, le parent est toujours victime de ces méthodes, toujours.
Constatant que l’on prend soin et que l’on suit son enfant, qu’on « fait des trucs visibles », l’anxiété baisse et l’enfant va mieux. Du coup, miracle, bouche-à-oreille, témoignages. Mais aucun témoignage n’est une preuve en science, jamais.
En France, cette FakeMed prospère en toute impunité.
Il existe un centre à Paris qui a pignon sur rue, et un cabinet à Avignon où l’on fait tout sauf de la médecine.
L’urgentiste témogne: “pour ce thread, j’ai infiltré un groupe pour le KISS où un « médecin » propose de répondre aux parents. Le résultat est glaçant, terrifiant, criminel.
On constate des parents affolés, désespérés, qui tombent sur des gens qui mettent tout sur le compte du KISS. Tout.
Spasme du Sanglot ? Kiss
Reflux ? Kiss
Pleurs ? Kiss
Constipation ? Kiss
Mais bien pire, des enfants avec des pathologies graves se retrouvent déroutés sans vergogne vers ces centres. Des enfants avec des maladies rares en cours de diagnostic, des enfants avec des maladies neurologiques. Et cela en toute impunité.
On peut par exemple voir une mère avec un enfant qui souffre d’une hypotonie axiale qui attend une IRM cérébrale se voir dire de venir se faire traiter pour un KISS et de surseoir à l’IRM.
C’est inadmissible et dramatique.
On voit des mères ensuite revenir pour TOUS les problèmes du monde. Mycose, APLV, troubles du sommeil ou du comportement.
Et le gourou répond, le gourou sait, le gourou a une solution.
Car c’est aussi ça qui caractérise la plupart des FakeMed périnatale, leur caractère à endoctriner les parents et à en faire des zélateurs acharnés et complètement hermétiques à toute autre forme de raisonnement. On est proche de la secte.
Devant des articles de promotion de certains médias qui sont tombés dans le panneau (RTBF par exemple) et la promotion intense par des « influenceuses Instagram »; il est plus que temps de répliquer pour les soignants et que les médias enquêtent sur ce drame silencieux.